Le Commerce du Bois

Tribune PEFC : Nos forêts dépérissent, que faisons-nous ?

Actualité 27.10.2020

Le Commerce du Bois partage avec vous la tribune collective portée par Christine de Neuville, présidente de PEFC France, cosignée par : Anne-Laure Cattelot, députée LREM du Nord, auteure d’un rapport sur l’avenir de la forêt et de la filière bois ; Isabelle Chuine, directrice de recherches au CNRS, Montpellier ; Alexis Ducousso, ingénieur de recherches à l’Inra, Bordeaux ; Meriem Fournier, présidente du Centre Inrae Grand Est-Nancy, déléguée régionale ; Hervé Jactel, directeur de recherches à l’Inrae, Bordeaux ; Myriam Leguay, directrice du Campus AgroParisTech de Nancy ; Le général Jérôme Millet, délégué du Chancelier de l’Institut de France pour le domaine rural de Chantilly ; Laurent Saint-André, directeur de recherches, Inra, Nancy ; François-Xavier Saintonge, expert au département Santé des forêts du ministère de l’Agriculture ; Joëlle Zask, philosophe et enseignante à l’université Aix-Marseille, auteur de Quand la forêt brûle.

"La forêt joue un rôle fondamental face au changement climatique : puits de carbone, lutte contre l’érosion des sols, refuge pour la biodiversité, régulation de la température, production d’un matériau durable… Encore faut-il qu'elle ait le temps de s'adapter.

Tribune. «Les forêts françaises sont en péril», «nos forêts sont à l’agonie», «les forêts françaises en souffrance après un troisième été chaud et sec»… l’impact du changement climatique n’est plus à prouver, et depuis le printemps, les prises de parole se multiplient pour tirer la sonnette d’alarme. L’urgence est donc là, sans aucun doute. Oui, mais voilà, nombreux sont les acteurs à faire des procès d’intention et mener, parfois, des attaques virulentes, chacun étant convaincu de détenir une vérité absolue pour sauver les forêts. Or l’avenir de nos forêts dépend de notre capacité à agir collectivement et rapidement.

Sortons d’une vision manichéenne de la forêt

Nous n’avons plus le temps de nous complaire dans une vision manichéenne de la forêt en opposant forêts gérées et non gérées, forêts secondaires et forêts primaires.

Nous n’avons plus le temps de débattre sur les terminologies, les définitions de ce qu’est ou n’est pas une forêt puisque, partout sur le globe, les arbres de plantation ou issus de forêts naturelles sont victimes du changement climatique.

Nous n’avons plus le temps de nous affronter sur les causes et les conséquences de ce réchauffement climatique, alors que devant nos yeux, des arbres meurent.

Le dernier rapport spécial du Giec de septembre 2019 alerte sur le déclin de la biodiversité. A l’échelle mondiale, c’est l’ensemble des écosystèmes qui est touché.

Le plan de relance présenté par le ministère de l’Agriculture il y a quelques jours en a fait l’un de ses grands objectifs : adapter les forêts au changement climatique. On le sait, la forêt joue un rôle fondamental face au changement climatique : puits de carbone, lutte contre l’érosion des sols, refuge pour la biodiversité, régulation de la température, production d’un matériau durable… Mais ce rôle dépend de la capacité des arbres à s’adapter à la hausse des températures et au manque d’eau. Le défi est colossal aujourd’hui pour nous tous car les forêts sont à la fois les victimes et l’une des clés face au réchauffement climatique.

Osons les expérimentations pour aider la forêt à faire face au changement climatique

Une vaste palette de solutions existe pourtant déjà, de l’aide à la migration à la recherche génétique en passant par les «îlots d’avenir» ou la diversification des peuplements comme en Nouvelle Aquitaine où des dispositifs expérimentaux à long terme analysent le fonctionnement de «forêts de plantations mélangées». D’autres sont peut-être encore à valider. Ces expérimentations doivent permettre le maintien des services écosystémiques de la forêt, dont la production durable de bois. En France, de nombreuses forêts sont déjà en situation de crise sanitaire et des solutions encore expérimentales à l’étude, comme c’est le cas en forêt de Compiègne dont les deux tiers de la surface forestière sont déjà en état de crise sanitaire. Les épisodes de sécheresse, les précipitations de plus en plus rares et concentrées, les attaques de scolytes, de hannetons ou encore de chenilles processionnaires laissent exsangues des milliers d’arbres sur l’ensemble du territoire. Les sols n’arrivent plus à retenir l’eau, les jeunes plants se dessèchent…

Pour continuer à se développer et s’adapter au changement climatique, la forêt a besoin d’actions concrètes, audacieuses et innovantes. C’est le cas par exemple de l’expérience de «migration assistée» menée dans le nord-Est de la France avec les hêtres adaptés au climat du Sud. C’est aussi le cas à Chantilly, où l’émotion provoquée par le dépérissement de certaines parcelles – 50 % de la surface du massif de Chantilly présente des signes de dépérissement – a conduit tous les acteurs de la forêt à l’échelle locale et les citoyens à se mobiliser pour tenter de nouvelles expérimentations et faire de cet espace un «laboratoire forestier à ciel ouvert».

Sortons enfin des postures binaires et acceptons le partage des savoirs et des initiatives, les tâtonnements et l’expérimentation. Pour s’assurer que nos forêts continuent à être résilientes, les normes et cahiers des charges doivent être adaptés afin de permettre la mise en œuvre de nouvelles expériences et faire face aux conséquences du réchauffement climatique.

Construisons un projet de société pour les forêts

Tous les acteurs de la forêt sont aujourd’hui confrontés à la plus grande crise de leur histoire car ils ont tous un ennemi commun, et de taille : le changement climatique. Alors ne nous trompons pas de combat. La forêt, même si elle est capable de s’adapter sur le long terme, ne pourra pas, sans l’intervention du forestier, jouer partout son rôle face au changement climatique.

Le temps est venu de penser ensemble un projet collectif pour les forêts, en élargissant le cercle des initiés aux citoyens. Le temps est venu de travailler ensemble : écologues, chercheurs, professionnels du bois, historiens, biologistes, forestiers de terrain, etc. Le temps est venu d’agir ensemble, de façon pragmatique, pour permettre aux forêts de continuer à remplir leurs fonctions de réservoir de biodiversité, de production de bois, et d’accueil du public.

Agissons collectivement pour l’avenir des forêts françaises."


Illustration: le 18 août à Ban-Sur-Meurthe-Clefcy (Vosges). Des arbres y sont attaqués par des scolytes. Photo Jean-Christophe Verhaegen. AFP