Actualité 21.02.2025
Los Angeles, 31 janvier 2025. L’air est chargé de cendres et de fumée, et mon quartier ressemble à une zone de guerre. Plus de 17 000 bâtiments ont été réduits en cendres lors de l’une des saisons d’incendies les plus dévastatrices de l’histoire de la Californie.
Crédit photo : @FabienneBouville
Dans les jours qui ont suivi, de nombreuses voix se sont élevées pour accuser le bois, utilisé dans 90 % de ces constructions. Cette critique, relayée par certains en France, m’a immédiatement rappelé l’histoire des trois petits cochons et leurs maisons de paille, de bois et de briques. Mais dans le monde réel, les faits ne sont pas si simples.
Un point souvent oublié dans ces discussions est que les bâtiments restés debout ne sont pas nécessairement des structures en béton. Beaucoup d’entre eux étaient des bâtiments protégés par des mesures spécifiques, qu’il s’agisse de traitements ignifuges ou de solutions architecturales adaptées à la prévention des incendies.
Contrairement aux idées reçues, le bois n’est pas une bombe à retardement en cas d’incendie. Des recherches scientifiques montrent que le bois est un excellent isolant thermique et qu’il brûle lentement. Il transmet la chaleur 12 fois moins vite que le béton, 250 fois moins vite que l’acier et 1 500 fois moins vite que l’aluminium (Fédération Nationale du Bois, "Le bois et la sécurité incendie").
De plus, lorsqu’il est exposé au feu, une couche carbonisée se forme à sa surface, ralentissant davantage la combustion et préservant l’intégrité structurelle de l’élément en bois (France Bois Forêt, "Le bois et le comportement au feu"). Cela est encore plus vrai pour les bois tropicaux, qui se distinguent par leur densité et leur résistance naturelle aux flammes. En effet, plusieurs études soulignent que les essences tropicales, souvent plus denses, offrent une meilleure protection face aux incendies que les bois issus des climats tempérés.
Par exemple, des études montrent que sous une chaleur extrême, le bois ne perd que 10 à 15 % de sa résistance totale, un chiffre bien inférieur à ce que l’on pourrait croire (CSTB, "Caractéristiques thermiques et mécaniques du bois sous haute température"). Les poutres et structures en bois restent stables plus longtemps que leurs homologues en acier, qui ont tendance à se déformer et à s’effondrer rapidement sous l’effet de la chaleur. Les pompiers eux-mêmes reconnaissent cet avantage, et les réglementations leur permettent d’intervenir plus longtemps sous des charpentes en bois que sous des structures en béton ou en acier.
Les avantages environnementaux du bois sont indéniables. Ressource renouvelable, issue de forêts gérées durablement, le bois stocke le dioxyde de carbone et contribue à la lutte contre le changement climatique (France Bois Forêt, "Les contributions du bois à la neutralité carbone"). De plus, sa transformation nécessite moins d’énergie que le béton ou l’acier, réduisant ainsi l’empreinte carbone des bâtiments (Ademe, "Analyse du cycle de vie des matériaux de construction").
Les bois tropicaux, en particulier lorsqu’ils sont certifiés, jouent un rôle essentiel dans cette équation. Leur durabilité naturelle, leur résistance aux conditions extrêmes et leur contribution à des modèles de gestion forestière durable en font un choix précieux pour des projets de construction résilients et respectueux de l’environnement.
Les incendies en Californie ont révélé des faiblesses dans la planification urbaine et les normes de construction, mais cela ne justifie pas de diaboliser le bois. Ces événements soulignent plutôt la nécessité de renforcer les mesures de prévention, comme la création d’espaces défensifs, l’utilisation de traitements ignifuges et le respect de normes strictes (Fédération Nationale du Bois, "Prévention des incendies en milieu urbain"). Utilisé de manière responsable et traité correctement, le bois est non seulement sûr, mais également indispensable pour construire des communautés résilientes et durables.
En France, malgré un contexte économique difficile, le marché de la construction bois continue de croître. Selon les Enquêtes Nationales de la Construction Bois (ENCB), "le marché de la construction bois en France a réalisé un chiffre d'affaires stable, avec une augmentation des parts de marché dans certains secteurs tels que les bâtiments publics et résidentiels" (ENCB, Rapport 2023). De plus, l'Enquête Nationale de la Construction Bois 2023 rapporte que le bois représente 9,7 % des maisons individuelles, 4,6 % des logements collectifs et 16,8 % des bâtiments non résidentiels (France Bois Forêt, "Rapport annuel sur la construction bois en France, 2023").
Il est donc essentiel de saisir cette occasion pour promouvoir le potentiel du bois au lieu de perpétuer des stéréotypes dépassés. Les architectes et constructeurs doivent reconnaître que les produits modernes en bois, y compris les bois tropicaux et d’ingénierie, allient tradition et propriétés ignifuges avancées (Fédération Nationale du Bois, "Produits innovants en bois").
Et si on réécrivait l’histoire des trois petits cochons ? La maison en bois, construite avec du bois certifié et issu de forêts gérées durablement, pourrait résister aux assauts du grand méchant loup, non pas grâce à la magie des contes, mais grâce à la science et au savoir-faire.
Les incendies de Los Angeles rappellent les défis posés par le changement climatique et l’expansion urbaine. Mais accuser le bois n’est pas la solution. Il est temps d’éduquer, d’innover et d’investir dans des matériaux durables, comme le bois, qui bénéficient à la fois aux populations et à la planète (Fédération Française du Bâtiment, "Le rôle du bois dans la construction durable").
Alors que ma ville et ses habitants tentent de se relever de cette catastrophe, je reste convaincue de la nécessité de défendre le bois, notamment tropical, comme un matériau résilient, écologique et sûr. Ne laissons pas les idées reçues compromettre son potentiel pour un avenir durable.
Nathalie Bouville
Responsable Communication, ATIBT
Los Angeles, Californie