Le Commerce du Bois

Retour sur les commissions Panneaux et Bois Tropicaux du 7 novembre : un marché sous pression mais des perspectives prudentes de reprise attendues en 2025

Actualité 25.11.2024

Les Commissions Panneaux et Bois Tropicaux, tenues le 7 novembre 2024 au MuMa, au Havre, ont dressé un état des lieux complet des défis économiques, logistiques et réglementaires auxquels ces deux secteurs majeurs sont confrontés. Ces discussions ont mis en lumière des enjeux communs tout en détaillant des problématiques spécifiques à chaque filière. Ces deux réunions ont réuni une trentaine de participants : importateurs, agents, transformateurs, négociants et partenaires de nos métiers.

L’occasion pour les membres de partager sur les grands dossiers de LCB : les tendances des marchés national et international, les réglementations en cours et les incertitudes logistiques. 

Un marché sous pression : Tour de table des marchés

Panneaux : Une baisse marquée dans le bâtiment

Le secteur des panneaux est gravement touché par la crise de la construction neuve en Europe. Les mises en chantier ont chuté de -13,9 % sur l’année, et les permis de construire reculent de 10 %, reflétant une faiblesse structurelle du marché. La demande en contreplaqué s'effondre, notamment en raison de la baisse spectaculaire des ventes de maisons individuelles (-29,9 %). En revanche, le segment de la rénovation et de l’entretien montre une résilience relative (+1,7 %), soutenant une activité modérée dans certaines niches.

Les perspectives pour 2025 sont mitigées. Bien que des investissements industriels, notamment en Finlande, annoncent un potentiel renouveau, l’incertitude autour de la demande globale persiste. Les acteurs de ce marché misent sur une stabilisation progressive pour éviter une érosion supplémentaire des marges.

Bois Tropicaux : Défis logistiques et ralentissement de la demande

Le marché des bois tropicaux est confronté à une conjoncture économique difficile et à des défis logistiques croissants. Les importations souffrent de retards prolongés dans les ports brésiliens et asiatiques, accentués par une pénurie de conteneurs et des embouteillages portuaires récurrents. Les conditions climatiques, comme la saison des pluies en Asie et au Brésil, aggravent ces délais, compliquant la gestion des stocks pour les importateurs.

Certains segments, comme le marché des terrasses et platelages, connaissent une année morose, tandis que la menuiserie montre une meilleure résilience. Par ailleurs, les marges brutes dans ce secteur (BT) continuent de baisser (-10 % à -20 %), sous la pression de stocks survalorisés et d’une forte volatilité des prix des matières premières.

Des initiatives pour améliorer les infrastructures logistiques et renforcer les chaînes d’approvisionnement émergent progressivement. Ces efforts, combinés à une meilleure coordination avec les autorités portuaires, visent à réduire les tensions actuelles et à stabiliser le secteur à partir de 2025.

Logistique : Une chaîne d’approvisionnement sous tension

Les tensions logistiques continuent de peser lourdement sur les filières des panneaux et du bois tropical. Les retards dans les ports brésiliens et asiatiques, combinés à un manque chronique de conteneurs, allongent considérablement les délais d’approvisionnement. Ces contraintes sont exacerbées par des coûts de fret maritime extrêmement volatils : après une stabilisation temporaire, des hausses imprévisibles ont été constatées depuis novembre 2024. Les flux commerciaux en provenance d’Asie restent particulièrement affectés par des embouteillages portuaires et des variations saisonnières, notamment liées au Nouvel An chinois et aux moussons.

Face à ces défis, les entreprises sont contraintes d’anticiper davantage leurs commandes pour éviter les ruptures de stock. Cependant, cette gestion est compliquée par des stocks globalement faibles, comme le mentionnent plusieurs acteurs. Pour pallier ces difficultés, des initiatives collectives émergent, telles que le renforcement de la collaboration avec les autorités portuaires et la mise en place de stratégies logistiques mieux coordonnées.

 

Réglementations : Une transformation en cours

Les deux secteurs sont confrontés à un renforcement des contraintes réglementaires, qui redéfinissent les conditions d’accès aux marchés européens.

RDUE : La traçabilité en première ligne

  • Le Règlement Déforestation de l’Union Européenne (RDUE) impose aux entreprises une traçabilité stricte de leurs produits bois. Cela inclut le déploiement du Système d’Information pour la Déclaration de Diligence Raisonnée (DDR), un outil numérique encore en phase d’adaptation.
  • Les sanctions prévues pour non-conformité comprennent des amendes allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel, la confiscation des marchandises, et l’exclusion des marchés publics.
  • Le Parlement européen a approuvé le report d’un an de l’application du RDUE, fixant les nouvelles échéances au 30 décembre 2025 pour les grands opérateurs et au 30 juin 2026 pour les PME. Cette décision accompagne également l’adoption d’une nouvelle catégorie de pays « sans risque », qui doit encore faire l’objet d’un trilogue.

 

Lire l'article LCB sur le report du RDUE

 

  • Dans le cadre de la mise en œuvre du RDUE, LCB s’engage activement à accompagner ses membres dans leur mise en conformité. Ce soutien passe par la participation à des sessions de formation organisées par la Commission européenne, qui visent à familiariser les opérateurs avec la plateforme dédiée à la Déclaration de Diligence Raisonnée (DDR). Ces formations permettent d’explorer les fonctionnalités de l’outil, telles que la création, la modification et le suivi des déclarations, tout en assurant une bonne compréhension des rôles attribués aux différents acteurs économiques.

    LCB encourage également ses membres à anticiper leurs démarches en collectant dès maintenant les documents nécessaires auprès de leurs fournisseurs, notamment les données géographiques et les preuves de légalité et de traçabilité des produits. Grâce à cet accompagnement, les entreprises peuvent se préparer à utiliser efficacement le système intégré à la plateforme TRACES, dont l’ouverture est prévue pour décembre 2024. Une démarche proactive est essentielle pour garantir la conformité et répondre aux nouvelles exigences réglementaires dans les délais impartis.

 

En savoir plus sur l'accompagnement de LCB

Lire l'analyse sur la FAQ de la Commission Européenne

 

CITES : De nouvelles essences sous surveillance

  • La potentielle inclusion d’essences tropicales comme l’Okoumé, le Sapelli et le Moabi dans les annexes CITES pourrait restreindre les exportations vers l’Europe. Les importateurs anticipent des retards accrus et des coûts administratifs supplémentaires. Ces changements, impliquant de nouveaux permis et démarches, seront discutés lors de la prochaine réunion du Comité Permanent de la CITES, prévue à Genève du 3 au 8 février 2025.
  • Depuis le 25 novembre 2024, l’Ipé et le Cumaru, deux essences largement utilisées dans l’industrie du bois, sont inscrits à l’Annexe II de la Convention CITES. Cette mesure impose des régulations plus strictes pour leur commerce international, nécessitant désormais des permis d’exportation et, pour les échanges avec l’Union Européenne, des permis d’importation. Afin d'accompagner les acteurs du secteur, LCB et ATIBT ont mis à jour leur FAQ, détaillant les étapes nécessaires à l’importation, qu’il s’agisse de bois pré-convention (récolté avant l’entrée en vigueur) ou post-convention. Ces efforts visent à clarifier les démarches administratives et à assurer une conformité totale à ces nouvelles exigences.

 

Télécharger la FAQ CITES de LCB et ATIBT

 

Antidumping : Une enquête qui inquiète

  • Dans le secteur des panneaux, une enquête antidumping européenne vise les importations chinoises. Elle pourrait déboucher sur des droits provisoires dès 2025, créant des incertitudes sur les prix et les volumes.

Pour rappel, l’ouverture d’une enquête antidumping par la Commission européenne le 11 octobre 2024 marque une étape importante pour le secteur des panneaux. Elle vise les importations de contreplaqué en provenance de Chine, accusées de pratiques de dumping affectant le marché européen. L’enquête cible spécifiquement les contreplaqués en bois dur, autres que le bambou et l’okoumé, avec une épaisseur inférieure à 6 mm (codes douaniers 4412 31 10 80, 4412 31 90 00, 4412 34 00 10). La période d’analyse s’étend de juillet 2023 à juin 2024, avec des mesures provisoires qui pourraient être instaurées dès mai 2025 et appliquées rétroactivement jusqu’à 90 jours avant leur mise en œuvre officielle.

L’enquête suscite de fortes inquiétudes parmi les importateurs européens, représentés par le consortium PTIA. Ils estiment que ces mesures risquent de provoquer une hausse significative des coûts pour les consommateurs finaux, notamment dans les secteurs de la construction et de la menuiserie. À l’échelle mondiale, des droits similaires sont déjà en place aux États-Unis (200 %) et au Maroc (66 %), limitant l’accès à des produits compétitifs. Si la Commission confirme les accusations, les flux commerciaux européens pourraient être fortement perturbés, mettant sous pression les industriels et les négociants.

 

 

En savoir plus sur l'enquête anti-dumping

 

Perspectives pour 2025 : Une reprise prudemment attendue

Panneaux : Investissements pour une relance

  • Le secteur des panneaux bénéficie de projets industriels en cours, notamment en Finlande, visant à augmenter la production et améliorer la compétitivité. Ces efforts pourraient stabiliser l’offre et répondre à une demande croissante en Europe.

Bois tropicaux : stabilisation espérée

  • Dans les bois tropicaux, une normalisation des flux logistiques et une reprise progressive de la demande en Asie sont attendues. Cependant, les acteurs restent prudents face aux incertitudes liées aux réglementations CITES et RDUE.

 

Solutions et initiatives : s’adapter à une nouvelle donne

Les commissions ont identifié plusieurs leviers pour surmonter les défis actuels :

  1. Digitalisation et traçabilité : Déploiement d’outils numériques pour répondre aux exigences du RDUE et des réglementations internationales.
  2. Actions collectives : Partage d’expertise entre acteurs, lobbying auprès des institutions européennes pour des réglementations adaptées et équitables.
  3. Renforcement logistique : Collaboration accrue avec les ports et amélioration de la planification des flux pour réduire les délais et optimiser les coûts.

 

Malgré un contexte difficile, ces commissions ont montré la capacité des secteurs du bois et des panneaux à s’adapter. Les défis réglementaires, bien que complexes, peuvent être transformés en avantage compétitif pour les entreprises qui innovent et s'engagent dans des pratiques durables. Si les incertitudes pour 2025 demeurent, les initiatives collectives et les investissements industriels offrent des raisons d’espérer un redressement à moyen terme.

Le chemin reste semé d’embûches, mais avec une anticipation accrue, une gestion optimisée et une coopération renforcée, ces secteurs peuvent sortir renforcés de cette période de transition.

 

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