Dans un communiqué, la confédération européenne des industries du bois (CEI-Bois), l’ATIBT et ETTF appellent à plus d’implication de la part des autorités compétentes européennes et demandent davantage de rigueur dans la législation actuelle pour endiguer le phénomène de déforestation.
En s’appuyant sur les informations récoltées par la FAO, CEI-Bois a fait un état des lieux de la situation des forêts, en relevant notamment, les activités illégales qui contribuaient à la déforestation. Pour inverser la tendance, CEI Bois a invité l’UE à se concentrer davantage sur la mise en œuvre du cadre législatif existant plutôt que d’adopter une nouvelle législation. D’une part, cela aura un impact bénéfique sur l’environnement, d’autre part, un règlement plus efficace pourra apporter des garanties sur les conditions de concurrence entre les opérateurs et les pays.
Dans cette perspective, CEI Bois a fait part de ses propositions de renforcement du règlement bois de l’UE :
- Étendre le champ d'application du règlement de l'UE sur le bois à tous les produits bois, aux produits imprimés et aux produits d'ameublement actuellement hors du champ d'application, à l'exception des matériaux recyclés et des emballages en bois pour le transport.
- Assurer une application cohérente par les États membres de l'UE. Une meilleure communication entre les douanes et les autorités compétentes est nécessaire pour garantir le contrôle des entreprises qui dédouanent des marchandises, dans un pays européen différent de leur pays d'immatriculation
- Une meilleure communication avec les opérateurs, avec une définition plus claire des attentes quant aux opérateurs en termes de documents et de mesures d'atténuation des risques à adopter
- Renforcer les obligations des opérateurs en matière de collecte et de conservation des informations clés sur les produits pour démontrer l'amélioration de la transparence de la chaîne d'approvisionnement.
Enfin, les signataires demandent des actions concrètes et des investissements pour créer des écosystèmes plus résistants aux parasites, aux maladies et aux espèces invasives à travers la coordination des actions nationales, régionales et mondiales.
Retrouvez le communiqué complet ci-dessous traduit de la version originale en anglais.
Comme l’a relevé la Commission Européenne dans son communiqué intitulé "Intensifier l'action de l'UE pour la protection et la restauration des forêts du monde", le principal facteur de la déforestation dans le monde est le changement d'affectation des terres provoqué par l'expansion agricole (80 % de la déforestation totale), la mauvaise gouvernance, les activités illégales ainsi que le manque d'investissement dans la gestion durable des forêts. Cela a été également rapporté par l'organisation environnementale WWF : "la principale cause de la déforestation est l'agriculture et la principale cause de la dégradation des forêts est l’exploitation forestière illégale. En 2019, les tropiques ont perdu près de 30 terrains de football chaque minute".
Selon la récente publication de la FAO intitulée "Situation des forêts du monde 2020", les facteurs à l'origine de l'exploitation et du commerce illicite des ressources forestières sont complexes, et varient considérablement dans le temps selon le lieu et le type de produit de l’activité illégale concerné. Parmi les causes directes des activités illégales figurent la faible gouvernance forestière dans les pays producteurs et l'absence d'application adéquate de la loi, qui en résulte, des cadres juridiques peu clairs et une capacité limitée d'élaboration et de mise en œuvre de plans d'aménagement du territoire.
En 2015, environ 40 millions d'hectares de forêts ont été touchés par des perturbations naturelles causées par le changement climatique, principalement dans les zones tempérées et boréales (source FAO, 2020). C'est pourquoi, l'industrie européenne du bois demande des actions et des investissements pour créer des écosystèmes plus résistants aux parasites, aux maladies et aux espèces invasives. Elle invite à la coordination des activités nationales, régionales et mondiales de prévention, de détection, de mise en œuvre de mesures phytosanitaires et à une sensibilisation efficace du public.
L'exploitation illégale des forêts est un facteur de la dégradation forestière. C’est la raison pour laquelle le bois et les produits dérivés du bois sont déjà couverts par le règlement européen sur le bois, ce qui garantit que les produits entrant sur le marché de l'UE ont été récoltés et commercialisés dans le respect des lois du pays producteur.
L'industrie européenne du bois a fait de gros investissements pour s'assurer que les lois, règles et réglementations forestières sont respectées lors de la récolte, le transport, la transformation et le commerce des produits forestiers.
D’ailleurs, 90 % du bois transformé par l'industrie manufacturière européenne provient des États membres de l'UE, où une législation adéquate contre la déforestation est en place. Par ailleurs, les États membres ont intégré dans leur législation nationale, la définition de la gestion durable des forêts telle que définie dans la résolution d'Helsinki de 1993 de FOREST EUROPE.
À la lumière de ce qui précède, le CEI-Bois a formulé les recommandations suivantes concernant une nouvelle initiative visant à établir des mesures axées sur la demande pour mettre fin à la déforestation :
1) Définitions
Le nouveau cadre exige une définition claire et applicable de la déforestation. Il convient d'utiliser des définitions acceptées au niveau international. La FAO définit la déforestation comme "la conversion d'une forêt à une autre utilisation des terres ou la réduction à long terme du couvert végétal en dessous du seuil de 10 %". Une telle définition présente de nombreux avantages:
- Elle est claire et acceptée au niveau international, ce qui facilite l'application de la législation. Des termes clairement définis permettent de démontrer et de juger plus facilement si la conformité a eu lieu ou non, tandis que des exigences contraignantes sur les importations de "produits de manière durable" seront probablement beaucoup plus difficiles à appliquer, étant donné que le développement durable reste un équilibre entre les intérêts sociaux, environnementaux et économiques.
- Pour la même raison, tout cadre législatif imposant des exigences contraignantes devrait aborder en premier lieu la question de la déforestation. Le terme "dégradation", en particulier lorsqu'il est lié aux forêts, nécessite une définition et un accord des États membres. La FAO se réfère uniquement aux définitions nationales.
- Selon la définition de la FAO, les zones de forêt où le couvert végétal a été temporairement enlevé dans le cadre d'un plan de gestion forestière ou temporairement perdu par des perturbations naturelles sont toujours considérées comme des forêts. Cela permet d'éviter toute confusion entre la déforestation et la gestion durable des forêts. En cas de perturbations biotiques ou abiotiques des forêts (par exemple, les parasites et les tempêtes), le bois est récolté pour arrêter la propagation de l'infestation ou pour se remettre des dégâts. Ce type d'exploitation fait partie de la gestion durable des forêts et ne doit pas être confondu avec la déforestation.
2) Champ d'application du nouveau cadre
Selon la FAO (Situation des forêts du monde 2020), 40 % de la déforestation dans les zones tropicales est due à l'agriculture commerciale à grande échelle (élevage de bétail, culture de soja et d'huile de palme). L'agriculture locale de subsistance joue également un rôle (33 %), suivie par l'expansion urbaine, les infrastructures et l'exploitation minière.
Les actions de l'UE doivent être rentables et se concentrer sur les principaux produits de base commercialisés qui sont à l'origine de la déforestation. Par ailleurs, la légalité de la récolte et du commerce des produits forestiers est actuellement couverte par le règlement de l'UE sur le bois, et il convient d'éviter une double réglementation dans le futur cadre juridique de l'UE.
Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'adopter une législation européenne supplémentaire pour les produits forestiers dérivés du bois. Au lieu de cela, le cadre législatif existant devrait être mieux mis en œuvre et appliqué, sous réserve de l'exercice d'évaluation actuellement entrepris par la Commission européenne.
3) Améliorer le système de diligence raisonné pour les produits du bois
La CEI-Bois soutient pleinement les initiatives de l'UE telles que le FLEGT (Plan d'action de l'UE sur l'application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux) et le règlement de l'UE sur le bois (Règlement UE 995/2010), qui visent à améliorer la gouvernance forestière dans les pays tiers et à prévenir la production et l’importation sur le marché européen des produits bois et dérivés provenant des forêts exploitées illégalement.
Le règlement de l'UE sur le bois est un
instrument précieux dans la lutte contre l'exploitation illégale des forêts dans le monde, car il oblige les opérateurs à mettre en place un système de diligence raisonné pour les bois importés sur le territoire de l'UE.
Pour être efficace, le règlement doit garantir des conditions de concurrence réellement équitables entre les opérateurs et les pays. Le système de diligence raisonnée est également un processus évolutif. Voici les recommandations :
- Étendre le champ d'application du règlement de l'UE sur le bois à tous les produits du bois, aux produits imprimés et aux produits d'ameublement actuellement hors du champ d'application, à l'exception des matériaux recyclés et des emballages en bois pour le transport. Cela augmenterait de près de 30 % la couverture des importations de bois "à haut risque " et aurait un impact bénéfique pour l’environnement. Cette mesure a été réclamée par l'ensemble de la filière forestière européenne dans une lettre ouverte signée en juillet 2018
- Assurer une application cohérente par les États membres de l'UE. Les différents niveaux de rigueur des contrôles effectués par les autorités compétentes conduisent à des conditions de concurrence inégales et, compromettent par conséquent l'objectif du règlement. Par exemple, une meilleure communication entre les douanes et les autorités compétentes est nécessaire pour garantir le contrôle des entreprises qui dédouanent des marchandises dans un pays européen différent de leur pays d'immatriculation. Cela ne concerne pas tous les pays mais se produit actuellement dans certains pays européens.
- Une meilleure communication avec les opérateurs, par exemple par le biais de guidelines, qui peut contribuer à améliorer le système de diligence raisonné. Un plus grand nombre d'inspections augmente l'efficacité du règlement, mais à la condition que l'on sache clairement ce que l'on attend des opérateurs en termes de documents et des mesures d'atténuation des risques à adopter, selon l’essence ou le pays d’origine du bois. Les attentes en matière de "conformité juridique" peuvent également être comprises de manière très différente par les différentes parties prenantes, les producteurs, les gouvernements et les ONG dans le pays de production des entreprises ainsi que par les organes d'exécution dans l'UE. Il est nécessaire de mettre en place des plateformes de dialogue pour calibrer la compréhension et les pratiques entre les entreprises, les ONG et les organismes d'exécution afin de permettre une amélioration continue de la mise en œuvre de la diligence raisonnée.
- Renforcer les obligations des opérateurs en matière de collecte et de conservation des informations clés sur les produits, telles que les essences et le pays de récolte. Ces informations sont essentielles pour démontrer l'amélioration de la transparence de la chaîne d'approvisionnement et la réalisation du système de diligence raisonnée aux consommateurs finaux. Malheureusement, ces informations sont souvent perdues dans la chaîne d'approvisionnement après les opérateurs. Pour renforcer la confiance de l'industrie sur le Règlement européen dans le domaine du bois (EUTR), des informations clés sur les produits doivent être transmises et conservées tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
- Le rôle de la certification par un tiers en tant qu'outil d'atténuation des risques devrait être davantage clarifié et reconnu de manière égale par toutes les autorités compétentes en Europe.
Enfin, CEI-Bois soutient pleinement le rôle des accords commerciaux de l'UE comme levier pour promouvoir la gestion durable des forêts par une approche de partenariat et l'arrêt de la déforestation dans le monde entier. Les chapitres des accords de libres échanges (FTAs) consacrés au développement durable sont d'une importance capitale et leur mise en œuvre et application de la législation devraient être dûment contrôlées par l'UE.
Un engagement continu est également nécessaire avec d'autres pays actuellement non dotés de réglementations en la matière comme la Chine et l'Inde, afin adopter un mécanisme similaire au RBUE pour lutter contre l'exploitation illégale des forêts et la déforestation.
CEI-Bois : la Confédération européenne des industries du bois, compte 16 organisations nationales, 4 fédérations sectorielles européennes ainsi qu'un groupe industriel privé. Il s'agit de l’organisation défendant les intérêts de l'ensemble de la filière bois industrielle européenne : près de 180 000 entreprises générant un chiffre d'affaires annuel de 152 milliards d'euros et employant 1 million de travailleurs dans l'UE.
ATIBT : L'Association technique internationale des bois tropicaux créée en 1951, est une organisation à but non lucratif. Les quelques 130 membres actifs dans le domaine de la sylviculture tropicale comprennent des producteurs, les commerçants, les gouvernements, les organisations internationales, les instituts de recherche, les fédérations européennes et les associations de producteurs de Côte d'Ivoire, du Cameroun, du Gabon et de la République démocratique du Congo. L'ATIBT est en communication permanente avec les gouvernements et les principaux acteurs le bassin du Congo, et s'engage pleinement à contribuer à AU développement du secteur forestier tropical.
ETTF : La Fédération européenne du commerce du bois (ETTF) représente les intérêts des importateurs, des distributeurs, des négociants et des négociants non importateurs de bois dans toute l'Europe et fonctionne sur une base unie, en représentant et en agissant au nom du commerce auprès des autorités nationales et européennes ainsi que des principaux décideurs. L'ETTF compte actuellement 15 fédérations membres. L'ETTF collabore également avec des ONG environnementales. Elle fournit un forum de discussion et de mise en réseau pour le commerce du bois de l'UE sur des questions clés, de la législation et de l'environnement.