Position du Canada sur le Règlement européen établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché
Le Canada est reconnaissant d’avoir l’occasion de présenter des commentaires à la Commission européenne concernant l’élaboration de mesures de mise en oeuvre et d’actes délégués concernant le Règlement (UE) nº 995/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (également connu sous le nom du « Règlement sur les importations de bois illégal »). Le Canada appuie l’objectif du Règlement susmentionné, qui consiste à lutter contre l’exploitation illégale du bois et le commerce qui y est associé. L’Union européenne représente un marché important pour les producteurs canadiens de produits du bois. En effet, entre 2006 et 2010, les exportations se sont élevées en moyenne à 1,38 milliard d’euros par an. Ces chiffres à l’esprit, le Canada présente respectueusement à la Commission européenne à des fins d’examen les inquiétudes et les suggestions suivantes concernant l’élaboration de mesures de mise en oeuvre et d’actes délégués afin que les systèmes de diligence raisonnée ne finissent pas par imposer un fardeau et des coûts inutiles aux producteurs de bois canadiens.
Inquiétudes du Canada
1) La mise en oeuvre du Règlement pourrait imposer un fardeau et des coûts inutiles qui entraveraient le commerce des produits forestiers avec les pays appliquant déjà un contrôle législatif approprié et décourageraient les importations de produits du bois vers l’Union européenne
Bien que des renseignements détaillés et une évaluation du risque soient nécessaires pour garantir la légalité des produits forestiers provenant de bois récolté dans des régions présentant un risque important d’exploitation
illégale, l’imposition de telles mesures sur les produits provenant de bois récolté dans des régions appliquant un contrôle législatif approprié n’est pas nécessaire. De telles mesures n’apporteraient rien aux efforts déployés pour combattre l’exploitation illégale du bois et compromettraient inutilement la compétitivité des coûts des produits du bois. Les coûts qu’entraineraient le recueil de renseignements détaillés et la réalisation d’évaluation du risque en vue de satisfaire aux exigences des systèmes de diligence raisonnée fi niront à la longue par se répercuter sur les producteurs et tout le long de la chaîne d’approvisionnement. Plus les produits seront bas dans la chaîne de valeur, plus les coûts seront élevés. Les coûts supportés par les importateurs de l’Union européenne pour fournir des renseignements détaillés et réaliser une évaluation du risque conformément aux systèmes de diligence raisonnée proposés par le Règlement décourageront l’importation de produits du bois dans l’UE. Les importateurs de bois et de produits du bois devront présenter toute une gamme de renseignements (p. ex. essence, pays de récolte et, le cas échéant, région et concession de récolte, quantité, fournisseur, acheteur et documents confi rmant la conformité avec les règlements applicables) pour satisfaire aux exigences des systèmes de diligence raisonnée lorsque leurs produits seront commercialisés sur le marché européen. Suivre la trajectoire du bois récolté dans des régions et des concessions infranationales présenterait un fardeau administratif considérable pour les opérateurs concernés (veuillez vous reporter à l’annexe 1 pour obtenir deux exemples illustrant ces difficultés).
Dans la plupart des cas, le pays de récolte constitue le seul renseignement à la disposition des opérateurs. Les documents confirmant la conformité des produits du bois avec les règlements applicables ne suivent pas nécessairement le produit le long des chaînes de transformation et d’approvisionnement. On peut donc s’attendre à ce que ces coûts se traduisent par une hausse des prix pour les importateurs et les consommateurs et affaiblissent la valeur des terres et des produits forestiers bruts. Des renseignements détaillés et une évaluation du risque ne sont pas nécessaires pour les importations de produits forestiers provenant de bois récolté dans des pays, comme le Canada, appliquant des contrôles législatifs appropriés. Le risque d’exploitation illégale au Canada est négligeable étant donné que celui-ci applique avec succès un cadre législatif et réglementaire exhaustif, lequel prévoit une vérifi cation et un examen approfondi réguliers des sociétés d’exploitation forestière. Les ressources relatives à la diligence raisonnée devraient être utilisées de façon à contribuer efficacement à la lutte contre l’exploitation illégale tout en évitant d’imposer des restrictions au commerce ainsi qu’un fardeau inutile à l’industrie des produits forestiers.
2) En raison de l’imposition d’un fardeau administratif plus lourd en ce qui concerne l’importation des produits du bois, la mise en oeuvre du Règlement pourrait encourager la transformation des produits du bois au sein de l’Union européenne.
Les systèmes de diligence raisonnée du Règlement ne s’appliquant que lorsqu’un produit est commercialisé pour la première fois sur le marché européen, les produits du bois transformés au sein de l’Union européenne ne seraient pas traités, en vertu du Règlement, de la même façon que les produits du bois importés en provenance de pays ne faisant pas partie de l’Union européenne. Les pays appliquant un régime d’exploitation légale du bois devraient bénéfi - cier d’un traitement différent.
a) Examen approfondi des produits du bois fabriqués au sein de l’Union européenne
La première mise en marché des produits fabriqués à partir de bois récolté au sein de l’Union européenne correspondrait à la vente des grumes aux scieries européennes. Les entreprises européennes menant des activités de transformation en aval ne doivent que fournir les renseignements concernant les fournisseurs et les acheteurs, pas ceux concernant les autres éléments précisés dans les systèmes de diligence raisonnée (p. ex. essence, pays de récolte et, le cas échéant, région et concession de récolte, quantité et documents confi rmant la conformité avec les règlements applicables). Les produits du bois transformés au sein de l’Union européenne à partir de cette étape ne sont pas assujettis aux systèmes de diligence raisonnée du Règlement.
b) Examen approfondi des produits du bois fabriqués dans des pays ne faisant pas partie de l’Union européenne.
L’importation des produits du bois qui ne sont pas fabriqués au sein de l’Union européenne correspond à la première mise en marché de ceux-ci sur le marché européen. Les exigences des systèmes de diligence raisonnée demandant de retracer le bois contenu dans les produits du bois importés jusqu’à la région et la concession infranationale où le bois a été récolté, de fournir des renseignements confi rmant la conformité avec les lois applicables et de réaliser des évaluations du risque entraîneraient des coûts bien plus importants et placeraient un fardeau administratif plus considérable sur les opérateurs concernés que les coûts et les exigences administratives applicables dans le cas où le même produit est fabriqué au sein de l’Union européenne.
c) Incidences du traitement différencié entre les produits du bois provenant de l’Union européenne et ceux ne provenant pas de l’Union européenne.
Ce fardeau et ces coûts administratifs pourraient rendre l’importation de produits du bois sur le marché européen moins concurrentielle par rapport à des produits similaires fabriqués au sein de l’Union européenne. On pourrait par conséquent se demander si la mise en oeuvre d’un tel règlement est conforme aux obligations commerciales internationales de l’Union européenne.
3) Les États membres pourraient ne pas voir l’application des exigences du Règlement de la même façon <br /> </strong>Si les risques en jeu sont trop importants et les sanctions inutilement rigoureuses, les opérateurs européens et les organismes de surveillance pourraient user de prudence extrême et rendre les systèmes de diligence raisonnée inutilement lourds, lourds à un degré qui n’a pas été prévu par les rédacteurs. Par ailleurs, si les systèmes de diligence raisonnée ne sont pas appliqués avec la même rigueur par
tous les États membres, ces différences de rigueur et de méthodes d’application pourraient porter atteinte à l’intégrité du marché unique européen. En effet, ces différences pourraient encourager certains pays à vouloir placer leurs produits sur les marchés des États membres les moins rigoureux et éviter les marchés des États membres les plus rigoureux. Les règles visant à uniformiser la mise en oeuvre des systèmes de diligence raisonnée que l’Union européenne préparera doivent être claires et suffi samment détaillées pour que tous les opérateurs et les organismes de surveillance appliquent les systèmes de la même façon et pour que l’intégrité du marché unique soit respectée. <br />
Suggestions du Canada
Le Canada propose les grands points suivants en guise d’aide à l’élaboration des règles de mise en oeuvre. Ces points cherchent à assurer la contribution concrète d’une application uniforme des systèmes de diligence raisonnée aux objectifs du Règlement consistant à empêcher l’entrée dans l’Union européenne de produits de bois récolté illégalement tout en atténuant autant que possible le fardeau placé sur le commerce légal des produits forestiers.
1) Encourager les opérateurs européens et les organismes de surveillance à appliquer les systèmes de diligence raisonnée de façon proportionnelle de manière à ce que les ressources chargées du recueil des renseignements et de l’évaluation des risques se concentrent sur les importations en provenance de pays présentant un risque démontrable d’exploitation illégale
Cette proposition pourrait être mise en place en offrant une application des systèmes de diligence raisonnée à plusieurs niveaux où le niveau de diligence raisonnée serait proportionnel au degré de risque. Par exemple, l’Étude pour l’élaboration de mesures non législatives prévues par le Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché réalisée par l’Institut forestier européen décrit une méthode en arbre de décision pour évaluer le risque d’exploitation illégale pour certains fournisseurs ou produits. Dans le cadre de cette méthode, le niveau de renseignements exigés dépendrait du degré de risque présenté par certains producteurs. Le premier niveau de l’arbre de décision vérifi e si le produit source appartient à une catégorie pouvant être considérée comme posant un risque négligeable d’exploitation illégale par défaut. Le recueil de renseignements supplémentaires et la réalisation d’une évaluation du risque dans le cadre de cette méthode ne s’appliqueraient que pour les fournisseurs de produits considérés comme des fournisseurs posant un risque non négligeable d’exploitation illégale, par rapport au premier niveau de l’arbre de décision. Le Canada appuierait la mise en place d’un mécanisme d’évaluation du risque à plusieurs niveaux dans le cadre des règles de mise en oeuvre du Règlement, tel que l’arbre de décision décrit dans l’étude réalisée par l’Institut forestier européen.
2) Fournir un mécanisme objectif, transparent et uniforme pour évaluer le risque d’exploitation illégale dans un pays donné; conformément à l’article 4.3 du Règlement sur les importations de bois illégal
L’article 4.3 (Obligations des opérateurs) du Règlement stipule que les systèmes de contrôle législatif existant satisfaisant aux exigences du Règlement peuvent servir de base au système de diligence raisonnée d’un opérateur. Cet article fournit un cadre pour utiliser un système de contrôle législatif bien établi et efficace comme assurance de la légalité des produits forestiers. Par exemple, le système de contrôle législatif rigoureux du Canada garantit que les produits forestiers canadiens sont fabriqués à partir de bois récolté légalement. Le Canada assure un contrôle législatif au tout premier maillon de la chaîne d’approvisionnement, avant que les grumes ne soient envoyées aux scieries à des fins de transformation, bien avant que les systèmes de diligence raisonnée du Règlement n’entrent en jeu. Les ordres de gouvernement canadiens (gouvernement fédéral et provinces) ont des lois et des règlements de grande portée en matière de foresterie, lesquels comprennent des programmes de surveillance des forêts qui prévoient l’inspection de l’accès aux forêts ainsi que des activités de récolte, de renouvellement et d’entretien, et la production de rapports à cet égard. Bien que les lois ou les règlements précis puissent être différents d’une compétence à l’autre, ils prévoient tous une vérification et un examen minutieux réguliers des sociétés d’exploitation forestière canadiennes.
Grâce à ses pratiques et ses régimes réglementaires de premier ordre, le Canada présente un risque négligeable d’exploitation illégale. Pour obtenir un bref résumé du contrôle législatif exercé par le Canada, veuillez vous reporter à l’annexe 2.
3) Établir, à l’intention des opérateurs et des organismes de surveillance en tant que première étape de leur système de diligence raisonnée, une méthode uniforme d’utilisation des sources de renseignements accessibles au grand public pour rendre compte du risque d’exploitation illégale dans différents pays
L’étude de l’Institut forestier européen suggère que les opérateurs seraient en mesure d’évaluer le risque d’exploitation illégale en se fondant sur les sources de renseignements accessibles au grand public. Une méthode uniforme d’utilisation des sources de renseignements accessibles au grand public rendant compte du risque d’exploitation illégale dans chaque pays devrait être établie. Ces sources devraient permettre à tous les opérateurs et organismes de surveillance d’avoir accès à la même information, dont ils se serviraient dans le cadre de la première étape de leur système de diligence raisonnée. Cette
méthode éliminerait les incertitudes et assurerait l’uniformité de l’application à l’échelle de l’Union européenne. Les opérateurs devraient se reporter à ces sources de renseignements accessibles au grand public pour déterminer les pays qui présentent un risque négligeable d’exploitation illégale du bois, comme point de départ de leur procédure de vérifi cation.
4) Permettre aux opérateurs qui importent des produits fabriqués à partir de bois récolté dans des pays présentant un risque négligeable d’exploitation illégale de se servir des renseignements recueillis dans le cadre du point 3 pour garantir la conformité avec les systèmes de diligence raisonnée du Règlement
Les produits fabriqués à partir de bois récolté au Canada ou dans d’autres pays présentant un risque négligeable d’exploitation illégale devraient être considérés comme conformes aux exigences des systèmes de diligence raisonnée du Règlement. L’arbre de décision décrit dans l’étude de l’Institut forestier européen pourrait permettre la réalisation d’un tel processus : dans le cadre de la première étape de l’arbre de décision, des renseignements de base suffisent à déterminer qu’un produit est fabriqué à partir de bois récolté dans un pays présentant un risque négligeable d’exploitation illégale. Par exemple, un engagement signé et la mention du pays de récolte (en plus de la description du produit, de la quantité ainsi que du nom et de l’adresse du fournisseur) sur un formulaire de recueil de renseignements généraux satisferaient aux exigences prévues à l’article 6 du Règlement pour les produits fabriqués à partir de bois récolté dans des pays présentant un risque négligeable d’exploitation illégale. Si l’engagement signé et le formulaire de recueil de renseignements généraux indiquent que les critères de diligence raisonnée ont déjà été remplis étant donné que le produit a été fabriqué à partir de bois récolté dans un pays désigné comme présentant un risque négligeable dans les sources de renseignements, aucune autre information ou évaluation du risque ne serait demandée. Le fait qu’un producteur de produits à valeur ajoutée (transformés) n’ait qu’à produire une déclaration signée certifi ant que le produit a été fabriqué à partir de bois récolté dans un pays désigné comme présentant un risque négligeable apaiserait les inquiétudes du Canada.
Le Canada suggère que les règles de mise en oeuvre prescrites à l’article 6 (systèmes de diligence raisonnée) précisent que les opérateurs européens important du bois et des produits du bois fabriqués à partir de bois récolté dans des pays ou des régions désignés comme ayant un contrôle législatif approprié et présentant un risque négligeable d’exploitation illégale n’aient pas à recueillir de renseignements plus détaillés ou à réaliser une évaluation du risque plus poussée.
Conclusion
En conclusion, le Canada est reconnaissant d’avoir l’occasion de présenter des commentaires offi ciels à la Commission européenne en ce qui concerne les mesures de mise en oeuvre et les actes délégués du Règlement sur les importations de bois illégal de l’Union européenne. Le Canada comprend qu’il est important de lutter contre l’exploitation illégale et les échanges qui y sont associés ainsi que d’encourager le commerce de produits forestiers récoltés en toute légalité. Nous suggérons donc respectueusement de clarifi er les règles de mise en oeuvre pour que celles-ci précisent que les systèmes de diligence raisonnée du Règlement soient appliqués :
- sur plusieurs niveaux, de façon à ne pas imposer un fardeau ou des coûts inutiles à ceux qui participent au commerce légal des produits forestiers ;
- en fonction du risque, de façon à ce que les ressources chargées du recueil de renseignements et de l’évaluation du risque se concentrent sur les importations en provenance de régions qui présentent un risque démontrable d’exploitation illégale ;
- de façon uniforme au sein de toute l’Union européenne, ce qui permettra de respecter l’intégrité du marché unique européen.
La solution proposée par le Canada permettrait d’accroître au maximum l’effi cacité du Règlement tout en réduisant au minimum ses coûts sur les consommateurs et les importateurs européens de produits du bois.
Le Canada demeure pour l’Union européenne un fournisseur fiable de produits forestiers durables et récoltés légalement. Il remercie la Commission européenne de tenir compte de ses préoccupations et de ses suggestions en ce qui a trait à l’élaboration de mesures de mise en oeuvre et d’actes délégués et espère avoir à nouveau l’occasion de présenter d’autres commentaires dans le cadre de ce processus ultérieurement.
source : Commerce International du Bois n° 291 - septembre/octobre 2011