Le Commerce du Bois

Tarifs douaniers sur le bois d’œuvre résineux canadien : une source de tension entre le Canada et les Etats-Unis

Actualité 02.11.2022

Le conflit canado-américain sur le bois d’œuvre dure depuis une quarantaine d'années : la succession de conflits (cinq conflits depuis 1982) entre les deux partenaires commerciaux, qui découle notamment, d’accusations de dumping de la part des politiciens et producteurs américains à l’égard de l’industrie forestière canadienne, s’est accompagnée de l’imposition à répétition de tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien. Selon une analyse de l’Institut économique de Montréal (IEDM), think tank indépendant sur les politiques publiques, les grands perdants seraient les consommateurs américains.

 

Le 4 août 2022, en vertu de la grille de tarifs finale dévoilée par le Département du commerce des États-Unis, le taux combiné des droits compensateurs et antidumping est passé de 17,91 % à 8,59 % pour la majorité des producteurs de bois canadiens. Un taux en baisse qui reste un affront pour le gouvernement Canadien.

Le 29 août 2022,  le Canada a déposé un avis indiquant qu’il contestera, au titre du chapitre 10 de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), les résultats définitifs des troisièmes examens administratifs du département du Commerce des États-Unis concernant ses ordonnances d’imposition de droits antidumping et compensateurs sur le bois d’œuvre résineux du Canada. Le gouvernement Canadien a indiqué être "déçu que les États-Unis continuent d’imposer des droits injustifiés et injustes sur le bois d’œuvre résineux canadien". Il ajoute : "Le seul résultat équitable serait que les États-Unis respectent leurs obligations au titre de l’ACEUM et cessent d’appliquer des droits injustifiés à tous les produits de bois d’œuvre résineux du Canada".

Des chercheurs de IEDM ont publié une note économique montrant que les tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien ont eu davantage d’effets négatifs que positifs sur l’économie et les consommateurs américains. 

Cette note, que nous relayons, préparée par Olivier Rancourt, économiste à l’IEDM, et Gabriel Giguère, analyste en politiques publiques à l’IEDM indique que le conflit canado-américain sur le bois d’œuvre n’est bénéfique pour aucun des deux pays. La perte de production du côté canadien a des conséquences directes sur l’industrie forestière du pays et n’est pas compensée par l’augmentation de la production chez leurs voisins du sud, ce qui donne lieu à une perte nette du volume de bois disponible sur le marché américain.

Selon l'IEDM : "Si les tarifs douaniers ont avantagé les producteurs de bois d’œuvre américains, les producteurs canadiens ont vu en 2017 un ralentissement de leurs activités s’élevant à 60 millions de dollars américains. Qui plus est, les consommateurs américains ont vu le prix du bois d’œuvre augmenter à la suite de l’imposition de tarifs douaniers sur la ressource canadienne et en sont les grands perdants. Les tarifs douaniers sur cette ressource ont eu davantage d’effets négatifs que positifs sur l’économie et les consommateurs américains.

Des tarifs douaniers qui affectent la production du bois d’œuvre

L’objectif des tarifs douaniers est de pénaliser les producteurs canadiens de bois d’œuvre et de favoriser l’achat de ressources des producteurs américains. Les autorités américaines ont perçu de l’industrie de la foresterie canadienne, de 2017 à 2021, 5,6 milliards de dollars (CAD) de droits d'exportation. En 2021, c’était plus de 84 % des exportations de cette ressource naturelle du Canada qui allaient chez leurs voisins du sud.

De surcroît, les projections des analystes indiquent que de 2017 à 2027, les tarifs auront fait diminuer les exportations des producteurs canadiens pour une valeur de plus de 3 milliards de dollars américains (voir la Figure 1).

Cette perte en valeur n’est toutefois pas compensée par la hausse des activités chez les producteurs américains qui a découlé de la mise en place des tarifs douaniers. Globalement, selon ces projections, avec un tarif à hauteur de 20,83 %, il y a eu une perte nette de la production de 71 000 m3 de bois lorsqu’on observe la baisse au Canada des activités dans les scieries et l’augmentation de celles-ci aux États-Unis. Cette perte nette a des répercussions sur le prix payé par les consommateurs américains.

Une chute des exportations peut être observée par la variation de volume de bois exporté vers les États-Unis. De 2017 à 2019, le volume exporté (en m3) par année a baissé de 9 %. Les répercussions projetées des tarifs correspondent à une baisse des exportations de plus de 14 millions de mètres cubes de bois sur 10 ans (voir la Figure 2). Bien que les tarifs douaniers aient fluctué au fil du temps, ils auront certainement des conséquences néfastes sur le volume de bois produit, car la perte de volume ne sera pas pleinement compensée par une hausse des activités de production nationale au sud de la frontière.

L’industrie forestière canadienne perd plusieurs occasions d’affaires en raison des barrières tarifaires. Le Canada n’est pas le seul pays perdant : le marché américain l’est également. Etant donné que la réduction des importations n’est pas intégralement compensée par l’augmentation de la production interne, la quantité disponible pour les consommateurs est réduite. En découle alors une hausse des prix. Même si ce n’est pas le seul facteur ayant des répercussions sur le prix de ce matériau, il a sur lui une influence certaine. Au final, ce sont les consommateurs américains de bois d’œuvre qui se retrouvent avec des matériaux plus coûteux à cause des tarifs.

Mises bout à bout, ces querelles à propos du commerce du bois d’œuvre canadien représentent 19 années, soit près d’une année sur deux depuis le début des tensions. En plus d’avoir duré trop longtemps déjà, cette succession de conflits a causé du tort aux économies des deux pays."

Selon l’IEDM, si le gouvernement américain retirait toutes les barrières tarifaires sur le bois d’œuvre canadien, les deux économies en sortiraient gagnantes. Le Canada et les États-Unis poursuivent les négociations dans le cadre de cet enjeu bilatéral important.

L’industrie du bois d’œuvre résineux est un secteur important de l’économie canadienne. Elle contribue à la création de milliers d’emplois dans les collectivités de partout au Canada et produit de nombreuses retombées positives dans des industries et des secteurs des services connexes.

Accéder à la note économique complète de l’IEDM 

crédit photo : DmitryPK via canva.com

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